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« Comme Jésus nous a aimés, nous aussi, aimons-nous les uns les autres »

Né à Dinan en 1871, mort à Paris en 1926 Yvon Le Loup dit SEDIR fut un des grands écrivains mystiques de sa génération. Volontaire, doué d’une grande puissance de travail et d’assimilation, il tente d’abord — avec succès — les disciplines ésotériques issues des traditions, travaille avec Papus, Stanislas de Guaita et quelques autres dans des groupes occultes. Après sa rencontre avec Monsieur Philippe, il abandonne grades, fonctions et travaux et se consacre simplement et sainement à l’étude et au service des Evangiles (voir « Initiations ») : l’amour peut tout, et bien plus vite et mieux que la connaissance, toujours soumise aux fluctuations de la cérébralité.

Les commentaires que Sédir fait à partir de la vie du Christ sont originaux, à cause certes de sa culture, mais aussi parce qu’il accepte l’intuition comme moyen d’approche de la Vérité. Sédir est tolérant pour tout ce qui existe, mais il affirme. Son œuvre peut être précieuse pour ceux que tentent les sentiers directs et exigeants.

Portrait de Sédir - Georges Allié

Georges Allié (1879-1961) qui a connu et fréquenté Sédir depuis ses premières conférences de mystique chrétienne en 1911, puis pendant les réunions amicales qui suivirent, a écrit ses souvenirs dans une lettre, reproduite ci-dessus, qu’il avait adressée à une amie en 1951. Ce témoignage complète et confirme ceux d’Emile Besson et Max Camis, dans le livre « Sédir mystique ».

Sédir n’avait rien de l’orateur qui semble avoir passé par le Conservatoire, et il développait sur un ton uniforme le sujet qu’il traitait. Il cherchait à instruire mais non à convaincre. En l’écoutant il fallait concentrer toute son attention et ne pas perdre un mot de ce qu’il disait. J’ai compris plus tard qu’il fallait aussi l’écouter avec son cœur. Il fallait aimer ce qu’il disait, pour le suivre, mais alors l’impression qu’il faisait sur ceux qui l’écoutaient, au sens complet du mot, était profonde.

Sédir va parler. Dans l’auditoire les conversations à demi-mot ont cessé. Au vrai il ne semble pas qu’il commence à parler, mais plutôt qu’il continue une conversation interrompue. Et, sans effets oratoires, il développe son sujet.

Il était plutôt grand, d’une taille au-dessus de la moyenne. Sérieux mais pas solennel, il en imposait par la dignité de sa tenue. Sa mise était toujours très simple. Il pouvait paraître sévère, mais montrait une indéniable bonhomie quand cela était nécessaire ; son sourire, rarement malicieux, inspirait la sympathie, la confiance. Tout en gardant toujours une réserve qui n’avait rien d’hostile, il savait se mettre au niveau de l’ami qui l’interrogeait. Je le vois toujours, un soir quand je lui parlais de « Brandt » d’Ibsen que je venais de lire et qui m’avait profondément remué, et que je lui avais avoué mon émotion telle que des larmes m’étaient venues aux yeux, il me dit, avec un bon sourire : « Il ne faut pas prendre cela trop au sérieux, c’est de la littérature, cela ne dépasse pas l’intellectualisme.

Physiquement Sédir m’avait paru être un oriental. Je n’ai su que plus tard qu’il était d’origine bretonne et que son nom était Yvon Le Loup. Je pense que son pseudonyme SEDIR était l’anagramme du mot DESIR, tiré du titre de l’œuvre de Claude de Saint Martin : « L’homme de désir » [le pseudonyme est en fait tiré de l’ouvrage du même auteur, intitulé « Le Crocodile].

Ses traits auraient pu être durs. En tous cas ils étaient très marqués. Son teint était plutôt brun, ses cheveux presque noirs étaient séparés par une raie au milieu du crâne et descendaient lisses de chaque côté de la tête. Cela lui donnait une certaine ressemblance avec Maurice Barrès. Il avait une marche un peu pénible, à cause d’une de ses jambes qui avait été accidentée, ce qui ne l’empêchait pas de faire de longues marches.

Naturellement, sa conversation était très intéressante, instructive, et propre à ouvrir l’esprit, je pourrais presque dire le purifier, de ceux qui l’écoutaient.

Sa culture était très étendue ; il avait beaucoup lu, beaucoup vu, et beaucoup retenu. Il avait su extraire la moelle de tous les sujets auxquels il avait touché. Plus particulièrement l’Evangile lui était familier, et tout ce qui concerne la religion Chrétienne. Il avait fait une étude approfondie de l’Hindouisme. Je crois encore entendre Papus, un jour qu’après une causerie que celui-ci avait faite, on lui posait des questions, et que quelques-uns uns l’interrogeaient sur les religions indoues, répondre : « Adressez-vous à mon ami Sédir qui vous donnera toute satisfaction ». Mais Sédir avait bien d’autres cordes à son arc. On peut s’en rendre compte en lisant ses livres.

Mais il n’y avait pas que de l’érudition dans ses propos, et, entre amis, il savait se mêler à de simples et cordiales conversations. J'ai remarqué, et bien d’autre l’ont remarqué aussi, que si l’on arrivait avec quelque souci, sans qu’on eut même à lui en parler, comme s’il avait lu dans votre pensée, .. mais n’y lisait-il pas ? .. Sédir disait les paroles qui vous tiraient d’embarras, après quoi on le quittait rasséréné. Il avait des moyens intellectuels d’aider son prochain. Plus d’un, en le quittant, a senti, en lui serrant la main, qu’un louis d’or passait de la main de Sédir dans la sienne. D’autre fois il vous priait de le « débarrasser » de quelque chose dont on avait besoin. Aussi l’affection de ceux qui le touchaient de près était-elle sans réserve. Et je ne parle pas du coté spirituel des rapports que Sédir avait avec ses amis et tous ceux que le Ciel mettait sur son chemin.

Quand il s‘enquerrait de l’état de santé, des possibilités de travail, des ennuis ou des soucis de quelqu’un, ce n’était pas de pure forme et pour obéir à la civilité, comme le font la plupart des gens. Quand je dis qu’il était un guide c’est incomplet. Il était aussi comme ces sauveteurs qui, sachant qu’un être humain a été pris dans une avalanche, consacrent leurs efforts à aller à son secours.

Sédir avait reçu ce don d’ouvrir l’esprit et le cœur de ceux qui venaient à lui. Sa parole simple lumineuse par sa sincérité, pénétrait le néophyte de bonne volonté et lui faisait à la fois comprendre et aimer les enseignements du Livre Sacré, qui contient le plus grand, le plus précieux des trésors : la Paix du Cœur.

Quelques photos de Sédir :

Extraites de la biographie de Sédir par Emile Besson

(Editions des Amitiés Spirituelles, 1971)

Théophile Briant : sur un mystique breton contemporain : Paul Sédir

Autre témoignage :


Une biographie - Pierre Caron

L’enfance

Yvon Le Loup, fils d’Hippolyte Le Loup et de Séraphine Foeller est né le 2 janvier 1871 à Dinan dans les Côtes du Nord, en pleine guerre et devant subir les privations consécutives à cette guerre. Privations qui eurent une répercussion sur sa santé. Vous savez combien ces privations et ces épreuves subies par la mère peuvent avoir d’influence sur la santé de l’enfant – la difficulté ensuite de nourrir cet enfant. Tout cela fit que l’enfant dut subir les effets d’une tuberculose osseuse, appelée mal de Pott. De plus, une cécité presque complète ajouta à son immobilisation. Il fallut soigner ses yeux et lorsqu’il put se lever, il fit une chute qui lui occasionna une fracture de la jambe. Toutes ces épreuves, la vie d’allongé, amenèrent l’enfant à vivre intensément. La souffrance le fit mûrir vite, il devint un élève studieux et avide de savoir.

Sa mère, d’origine Hessoise, lui apprit l’allemand qu’il parlera couramment. Habitant Paris, qu’il parcourait en boitillant, il rêvait d’être berger, en ce temps certains quartiers étaient encore la campagne. 

A neuf ans, il prit des leçons de violon et devint un assez bon musicien. Sa mère, très croyante, lui fit faire sa première Communion à l’église St Augustin. Puis, il entra à l’école des Jésuites de la rue des Francs Bourgeois, école réputée où Yvon se distingua rapidement par une grande intelligence.

L’étudiant

Très observateur, il devint un fin dessinateur et aurait aimé faire de la peinture. Musique, dessin, littérature, extraordinairement adroit de ses mains, mais il dut céder aux exigences de ses examens.

Son père, vieux soldat imbu de discipline, comprenait mal l’affinement de cet enfant silencieux et aux hautes aspirations – et les études demandaient de gros sacrifices d’argent – et aussitôt passé le Certificat d’Etudes Supérieures et le Baccalauréat de l’enseignement secondaire spécial, il entra à la Banque de France à 5 F. par jour en octobre 1892 sur concours, il avait 21 ans.

Un de ses chefs, répondant un  jour à une demande renseignements répondit : « Agent rendant des services remarquables, expéditif et travailleur en dépit d’une santé délicate et de la gêne que lui cause une jambe qu’il devait tenir allongée sous son bureau ». Ses loisirs étaient employés à fureter les boites des bouquinistes sur les quais. Sa maman toujours inquiète de sa santé veillait sur lui. Très vite aussi se révéla son intuition allant jusqu’à la voyance, sa constante préoccupation était la recherche de l’Absolu, ce qui l’amena très vite à rechercher ceux qui pouvaient satisfaire sa curiosité.

L’occultiste

C’est vers 1890 que son orientation se précise. Non loin de la Banque de France était la librairie du Merveilleux, directeur Chamuel, c’est par lui qu’il connut le vulgarisateur des sciences occultes qui venait de terminer son service militaire tout en préparant son doctorat en médecine. La collaboration de ces deux hommes très différents amena entre eux une grande amitié – Papus et Sédir. Sédir remet de l’ordre dans la bibliothèque de Papus et celui-ci lui fit rencontrer de nombreuses personnalités du monde secret : Barlet, Gaboriau, Jules Lermina, Paul Adam, Emile Gary de Lacroze, Victor-Emile Michelet, Julien Lejay, Marc Haven…

On l’amena un soir, 21, rue Pigalle chez Stanislas de Guaïta, à la bibliothèque (ésotérique) la plus complète qui existait.

Guaïta avait imaginé une fraternité Rosicrucienne composée de 6 membres inconnus que des moyens occultes pouvaient faire venir du monde des esprits et de 6 autres frères qui se réunissaient chaque mois en son intérieur luxueux.

Un mois après son entrée chez Chamuel, paraissait un premier article : « Expérience d’occultisme pratique », signé Le Loup et il fit ses débuts d’orateur sur : « Les Sciences divinatoires et la Chiromancie ».

Papus avait crée le Martinisme, il demanda à Sédir de collaborer, ce groupement d’hommes reprenait les idées du rite cabalistique de Martinez de Pasqually et formait le premier échelon initiatique de la fraternité Rosicrucienne de Guaïta.

Celui-ci en avait jeté les bases et comme Vénérable du Suprême Conseil, lut le discours de réception de Sédir, laquelle en grande pompe eut lieu chez lui, selon le rituel des anciennes loges Maçonniques.

Les jeunes auteurs choisissaient des surnoms : Sédir était l’anagramme de désir – Encausse était devenu Papus – Lalande : Marc Haven – Le nouveau Martinisme adopta Sédir et ses articles furent publiés dans les revues l’Initiation et Le Voile d’Isis.

L’initié

Le besoin d’Idéal était répandu à cette époque et peu à peu, la petite minorité s’agrandit.

Chamuel quitta la Rue de Trévise pour le 70 Faubourg Poissonnière. En 1895, Papus passe sa thèse de docteur en médecine, ouvre une maison de santé, Sédir assume la plus grosse tâche. Chaque soir, il donne des cours d’hébreu ou de sanscrit, langues qu’il connaissait parfaitement, des cours sur l’entraînement psychique des fakirs hindous, le yoga, l’alchimie expérimentale, l’astrologie, la sociologie. Il organise des cercles de recherche sur l’hypnotisme, le magnétisme et le spiritisme.

Le Mysticisme déjà l’attirait, il fréquentait aussi les clans littéraires, Verlaine.

Sédir ne perdait jamais de temps, toujours à la recherche des ouvrages pouvant l’aider, non sans participer par un mot bien placé à la gaîté générale.

Il avait le don très particulier de pouvoir faire plusieurs choses à la fois et c’est ainsi qu’il pouvait faire des additions, 4 colonnes en même temps. Il jouait plusieurs parties d’échecs à la fois sans voir les pièces.

Pendant ce temps, rue de l’Ancienne Comédie, avaient lieu les réunions de la nouvelles Loge où Sédir connut de plus près Barlet, puis, avec Marc Haven, avec Guaïta, de dangereuses expériences dont Sédir dira : « C’est ici-bas ce qui se paye le plus cher ».

Ses recherches alchimiques lui permirent de retrouver les bases de qui est appelé le Grand Œuvre.

Ces détails sur la vie secrète de Sédir montrent d’abord le souci de vérité qui lui a toujours fait expérimenter toutes choses avant d’en parler.

Il avait atteint les plus hauts sommets de la connaissance et des pouvoirs, mais il fut assez sage pour s’en détacher dès qu’il en comprit le peu de valeur et le danger.

Le mystique

Juillet 1897 – Sédir a 26 ans – Encausse lui signale la chance de voir un homme rare : Maître Philippe de Lyon, il le rencontre à la gare de Lyon, lui est présenté par Madame Encausse. L’aspect bon père de famille de Maître Philippe lui causa un grand trouble et en Août, il partit à Lyon passer ses vacances et ce qui se passa alors reste secret, mais dans son ouvrage  Initiation , Sédir nous en donne une idée plus tard, mais sur le moment, il fut bouleversé et le Maître lui ayant conseillé d’attendre avant de tout lâcher, il obéit et attendit l’ordre de sa mission.

Jusqu’alors, il n’avait pas pensé à se marier, c’est à Lyon que l’idée d’un foyer lui vint, encore fallait-il trouver une compagne qui partage son idéal.

Sa première compagne, Alice Perret Gentil, fut en tout point l’épouse exemplaire et la compagne au cœur rayonnant. Elle cousait et parfois, travaillait à domicile. Le mariage eut lieu en juin 1899, Sédir avait 28 ans. Ils s’installèrent à Montmartre où ils vécurent 10 années heureuses. Madame Le Loup vacant à ses devoirs domestiques, recopiant articles et manuscrits, visitant les malades et aidant les malheureux.

Sédir collabora avec Beaudelot, l’éditeur de la revue Psychée, quand une chute malheureuse provoqua une aggravation de l’état de sa jambe. Avec ses dons et son érudition rare, il aurait pu briguer des situations brillantes, mais sa recherche de l’Absolu, la Mission qu’il s’était fixée ne s’en serait pas accommodée.

L’homme

La mission de Sédir s’était affirmée, sa rencontre de Lyon avait changé son orientation, il abandonna tous les postes qu’il occupait pour se consacrer uniquement à vivre et à diffuser l’Evangile.

En même temps, son attitude changea, sa personnalité s’affirma, le bohême devint un homme soigné, élégant même. Son corps se développa et l’athlète apparut bientôt. Il s’était adonné à la culture physique, s’était intéressé aux chiens, aux Briards en particulier sur lesquels il écrivit un livre.

Alice Le Loup, hélas, avait quitté le monde. Elle fut enterrée au petit cimetière St Vincent à Montmartre où Sédir vint la rejoindre plus tard.

A l’encontre de certains grands Maîtres, Sédir demeura toujours humble. Sa voix était en harmonie avec lui, certains disaient qu’il n’était pas un orateur, pour moi, il fut le Prince des orateurs, car cette simplicité, cette clarté, cette netteté dans l’élocution, sans aucun effet grandiloquent, cette voix était pour moi la voix de la Vérité.

Pour satisfaire le public, pour pouvoir être introduit dans les milieux bourgeois, il soigna sa mise afin de ne pas choquer, ce qui ne l’empêchait pas de recueillir les confidences des ouvriers, des servants et de les conseiller ou de les réconforter et de les aider comme il le faisait pour les Grands de ce Monde.

Il visita les expositions, se tint au courant du monde, de sorte qu’il pouvait discuter de tout avec les gens les plus qualifiés en art, en architecture, en mécanique, en sciences, en mathématiques.

Les fidèles le suivirent dans les différents lieux où il allait : chez Chamuel, rue du Bac, rue Cardinet, puis en l’Hôtel des Sociétés Savantes où je l’entendis pour la première fois en 1913, puis devant St Germain des Prés, dans la grande salle pour l’encouragement de l’Industrie Nationale, dans les Universités populaires, Boulevard Raspail, à l’Université Mercereau où il parla pour la dernière fois.

Sédir mourut à Paris. Vingt ans après, le poète Breton Théophile Briant, de Dinan, écrivait à ce sujet : « Le 3 février 1926 Paul Sédir mourait à Paris à l’âge de 55 ans. La disparition de cet homme admirable, au cœur évangélique, passa presque inaperçue dans la grande presse d’information plus préoccupée de tresser des couronnes aux charlatans et aux histrions qui amusent le tapis pendant que se préparent les catastrophes internationales. A part quelques élus que cet Apôtre des derniers temps avait appelés à la Lumière, la plupart des jacasseurs d’après guerre ignoraient qu’une des voix les plus émouvantes du siècle cessait de se faire entendre. Une voix de précurseur, une voix d’annonciateur clamant dans le désert des foules, une voix qui s’était consacrée depuis des années à la diffusion de l’Evangile et qui nous mettait en garde au seuil de l’abîme contre les prostitutions multipliées de la parole. »

Dans tout ce que je vous ai dit jusqu’à présent il ne s’agit que d’extraits d’écrits que j’ai recueillis.

Il faudrait parler aussi de son œuvre, on pourrait dire littéraire, tant le style en est beau, mais il s’agit en fait d’une œuvre spirituelle, mystique, exceptionnelle, où la précision de ses pensées fait corps avec la flamme qui sortait de son cœur. Pour ma part, je n’ai jamais lu que chez Sédir des œuvres qui me fassent toucher au doigt le Christ.

La première fois que je l’ai entendu en 1913, j’avais 20 ans, je fus invité par un Ami que j’aimais comme un frère à venir l’écouter en l’Hôtel des Sociétés Savantes près de la place St Michel à Paris. J’avais lu quelques brochures de Sédir qui parlaient du Christ, mais je me méfais de ceux qui en parlaient.

Je ne me souviens pas de la conférence, mais ce qui me bouleversa, ce fut la personnalité de Sédir, sa simplicité. Il rayonnait de vérité. De lui émanait cette impression qu’il avait été au fond de la souffrance et que son cœur était toute charité. De penser que cet homme si plein d’Amour nous montrait le Christ, changea mon point de vue du tout au tout. Ce Christ qu’on m’avait montré immobile, cloué sur une croix et inaccessible, m’apparaissait comme réservé exclusivement à une certaine classe de la société. Il nous le décrivait, lui, d’une façon si humble, si tendre qu’on avait l’impression de Le sentir près de nous et je ressentis le besoin de me désaltérer à cette source divine.

J’avais l’impression que Sédir me disait : « Viens, approche, aie confiance en Lui , Il est Le seul qui t’aime vraiment ». Tout ce que je vous dis là est si simple que c’est inexplicable, mais ma vie en fut changée.

J’aurais dû devenir un saint aussitôt, mais j’avais sûrement trop à payer et au fond ce n’était pas le but. Le but, le seul, était d’aimer et Sédir pour cela était le meilleur guide, l’Ami, le grand frère. Je lui fus présenté et je sentis encore plus mon indignité. Mais peu importe l’indignité, l’être qui souffre se moque de notre indignité, ce qu’il attend de nous c’est l’aide, le secours, le réconfort de notre amitié et tout cela est à la portée de tous les êtres si indignes soient-ils.

J’eus la chance, je pourrais dire la faveur, de rencontrer à cette conférence celle qui allait être la compagne de ma vie pour 54 années. Merveilleuse compagne qui avait été avec moi prise dans les filets de Sédir cet Ami du Christ.

Je connus autour de Sédir des êtres qui, comme moi, étaient assoiffés de Vérité et de Lumière, des êtres simples de toutes les catégories sociales, des savants, des ouvriers, des gens riches et des pauvres, des hommes qui, sous une apparence quelconque ne se discernaient des autres que par leurs actes de charité le plus souvent obscurs mais que l’on pressentait quand on entrait dans leur intimité.

Sédir rassemblait parfois des malades et priait avec eux. Il est vrai qu’il avait le don de voyance, mais le dévoilait rarement. Il obtenait par la prière des guérisons comme lui avait enseigné Monsieur Philippe et nous aussi, nous prîmes l’habitude de prier pour les malades et nous pûmes constater des améliorations et des guérisons parfois inexplicables.

A la fin de la guerre de 14, ayant été évacué dans un hôpital militaire de Nice, j’y ai vécu près de Sédir. J’ai assisté à ses séances de culture physique avec un ami chanteur d’opéra et je déjeunais souvent avec lui. J’étais toujours étonné de voir qu’il connaissait aussi bien le garçon de restaurant, que les patrons qui venaient tour à tour lui confier leurs difficultés ou leurs soucis. De même, il était invité parmi les grands de ce Monde à qui il soufflait un peu de cette Lumière qu’il rayonnait.

Il est vrai que près de lui on avait l’impression qu’il ne pouvait rien nous arriver et le fait de lui parler d’un malade, nous portait à croire à sa guérison et le plus curieux c’est que très souvent le miracle se produisait.

Nous pouvions tout confier à Sédir, il ramenait tout à la simplicité, au bon sens et tout cela avec une grande délicatesse.

Peu de temps avant sa mort, mourut un de nos amis, Jean Bielecki, qui enseignait à l’Ecole Polytechnique de Varsovie, il était chimiste et médecin et soignait par l’homéopathie. C’est un véritable Apôtre et un grand savant. Il représentait la Pologne dans les congrès internationaux et avait été co-directeur de l’hôpital Pasteur à Paris. Il avait créé la première revue de Chimie en France et en dehors de son travail, il consacrait sa vie aux malades qu’il soignait gratuitement. Il avait une vénération pour Sédir et c’était curieux de voir ce grand savant avoir une telle admiration pour Sédir et une telle confiance. Bielecki soignait depuis le concierge de l’Ecole Polytechnique jusqu’au ministre. Il avait un sens du diagnostic très rare. Il connaissait parfaitement l’iriscopie, un livre a été écrit sur lui, il vivait dans la plus grande simplicité, sa vie était toute pour le Christ par la Charité.

Il est merveilleux de penser que dans ce monde de cruauté et de misère, il existe de tels êtres inconnus, c’est pourtant par eux que ce monde peut vivre, mais, je n’en finirais pas de vous conter des anecdotes à ce sujet. Lorsque vous êtes tentés de vous abandonner à la tristesse, au chagrin, voire même au désespoir, pensez qu’il existe un peu partout dans ce monde des êtres dont l’Amour est le seul but dont la pensée est constamment tournée vers la Prière et dont les actes rachètent la méchanceté des autres. Pensez aussi que chez les plus humbles, il y a parfois un exemple. Qu’aucun homme n’est foncièrement mauvais et qu’il suffit parfois d’un geste ou d’une parole de nous venant du cœur pour ouvrir les portes d’un autre cœur à la Lumière.

L’œuvre de Sédir est très importante mais les ouvrages les mieux connus sont : La PrièreFragmentsLes Rose-CroixInitiationLes Forces MystiquesMystique ChrétienneLa Voie MystiqueL’Enfance du ChristLe Sermon sur la MontagneQuelques Amis de DieuLes Guérisons du ChristLe Royaume de Dieu, pour ne citer que les principaux.

Sédir nous a ouvert un Univers inconnu et si riche que nous n’arriverons jamais au but de nos extases. Il nous apporte la solution à tous les problèmes dans l’Evangile qu’il s’est efforcé de vivre. Il parle en érudit aux intellectuels et aux simples avec la simplicité des humbles. Il ne s’adresse qu’à ceux qui cherchent, à ceux qui sont insatisfaits, à ceux qui souffrent. Il dit qu’il n’y a qu’une solution à tous les problèmes et que si nous suivons l’Evangile, tout l’invisible se révèlera à nous et c’est vrai. L’invisible est rempli d’êtres qui sont prêts à nous servir s’ils sentent que nous ne tricherons pas, qu’ils peuvent avoir confiance en nous.

Sédir a fait beaucoup de conférences dont certaines ont été éditées, mais parmi les dernières qui n’ont pu être éditées, il y a celle sur « La Vie Inconnue du Christ », car on ne parle jamais de la vie du Christ depuis l’âge de 13 ans jusqu’à sa mort à 33 ans. Vingt ans d’inconnu, vous pensez bien qu’un être divin comme le Christ a vécu intensément pendant ces 20 années.

Sédir nous le montre souvent parcourant tous les pays du Monde, défendant les opprimés, guérissant les malades, parfois jeté en prison ou prêchant partout l’Evangile. Ces conférences parlent en outre, d’une autre vie inconnue du Christ, de son influence, de son action rayonnante sur le Monde de la Matière, semant partout, dans tous les pays traversés et dans tout l’invisible, une vie nouvelle, régénérant tout ce qui était envahi de ténèbres, mettant partout de cette Lumière du Ciel qui est tout Amour. Faisant que tout ce qui paraissait impossible avant devienne possible par la grâce de Dieu.

Nous ne pensons pas souvent à tout cela, à tous les trésors que le Christ est venu semer partout dans toutes les choses de ce Monde.

Sédir a écrit là-dessus une dizaine de conférences qu’il a faites en 1920 et 21 à l’Hôtel de la Société pour l’Encouragement de l’Industrie Nationale à Paris, 44, rue de Rennes. Elles n’ont pas été éditées par manque d’argent d’abord et aussi parce qu’il lui a paru inutile de divulguer trop tôt toutes ces choses cachées jusqu’alors au grand public.

Il m’est impossible en une demi-heure de parler vraiment de Sédir, aussi n’ai-je voulu pendant cette demi-heure que vous faire une esquisse.

Sédir disait aussi que chacun de nos actes et chacune de nos pensées avait sa répercussion dans le monde entier et que la prière doit être alimentée par des actes. Il attachait une grande importance à ne pas dire du mal de son prochain.

En fait, le travail du Mystique Chrétien est de vivre avec tout son cœur toutes les minutes de la vie, de ne pas chercher à éviter les corvées car c’est justement ce qui se présente qui nous est destiné et par conséquent, que nous devons faire. Remarquez que ce qui paraît impossible au début, s’avère parfois très facile si on a le courage de commencer.

Ses livres ne sont pas démodés, ils s’appliquent à notre vie de tous les jours. Chaque fois qu’on lit un passage de Sédir, on est surpris par son actualité. Il a le talent de peindre une atmosphère, ainsi rien n’a été écrit sur Monsieur Philippe qui fasse mieux sentir ce qui se dégageait de lui et que vous pourrez lire dans Initiation. Voici une phrase de lui qui est pleine de réconfort :

« L’homme ne peut être écrasé que matériellement. Par la vie intérieure, toutes les magnificences, les richesses, les majestés, toutes les audaces sont à lui. Et ce n’est pas de la phraséologie, puisque tout influe sur tout, puisque la force la plus subtile finit toujours pas opérer des transformations dans la matière. Un artiste qui n’est jamais sorti de son atelier, un philosophe qui n’a même jamais publié ses spéculations, un ermite perdu dans le fond du désert, pourvu qu’ils se soient consacrés à la recherche de leur idéal, ils le forceront à descendre , ils l’acclimateront peu à peu à l’air lourd de notre terre et, insensiblement, l’état général, le niveau social, l’opinion se modifient par l’influence occulte de l’effort ignoré de quelques travailleurs anonymes. »

Je vous ai dit que Sédir aimait les chiens, qu’il avait adopté un Berger Briard, qu’il avait écrit un livre sur lui. Il était membre du jury à la Centrale Canine car il ne faisait rien à moitié, mais il fallait le voir avec son chien. C’est par la suite que j’ai pu me rendre compte et comprendre pourquoi le chien ou les chiens avaient une telle confiance en lui et le lien extraordinaire qui faisait qu’ils se comprenaient sans paroles.

En réalité, l’être humain apparaît aux yeux des êtres qui l’entourent comme un soleil ou comme un Dieu – Si cet être humain est juste et bon, tout ce qui l’entoure ressent cette bonté, c’est comme une chaleur bienfaisante et réconfortante, c’est un climat de confiance qui s’établit, et à ce moment tous ces êtres, au lieu de se refermer sur eux-mêmes par peur, s’ouvrent et communiquent, c’est pourquoi il y a là pour nous une vie inconnue.

Le Mystique, dans la mesure où il peut créer ce climat, peut entrer en communication avec tous les êtres visibles ou invisibles. Pour ce qui est du visible, tout ce que nous voyons vit, même les choses qui paraissent les plus inertes. Chaque chose contient une masse d’énergie, chaque chose émet une radiation, c’est un peu son langage – reste pour nous à déchiffrer ce langage, mais dans ce climat de confiance dont je vous parle tous les langages sont faciles à traduire pour celui qui a créé ce climat, car ce sont des sensations, des impressions qui pénètrent en vous, et ce merveilleux ordinateur qu’est le cerveau humain nous traduit ces impressions, de sorte qu’une conversation sans paroles s’établit entre ces choses et vous.

Mais ceci n’est qu’un aperçu concernant le visible, or, dans l’invisible ce sont des masses énormes d’énergie qui circulent, des masses de pensées, d’intentions, des masses de radiations dont nous n’avons pas idée – des mondes dira Sédir.

C’est dans cet invisible que les évènements de l’avenir prennent forme, que les êtres viennent puiser leurs idées, c’est dans cet invisible que s’accumulent toutes les méchancetés, les haines, mais aussi toutes les pensées généreuses et pour que cet invisible immense soit perceptible par nous, il faut que nous lui présentions une âme pure et sereine et il faut avoir la force de supporter cette vision.

Le Christ en venant sur Terre a apporté dans ces immenses domaines, avec sa flamme d’Amour, la possibilité d’une Purification et d’une régénération, de cela non plus on ne parle jamais et c’est ce que Sédir essaye de nous faire entrevoir. Il nous parle parfois de la Liberté, mot qui peut se traduire de bien des façons mais qui pour nous si l’on veut se représenter un Etre Libre peut se traduire très simplement :

Lorsqu’un être a pu se débarrasser de toutes ses tares et de tout son égoïsme, lorsque son esprit est essentiellement au service de Dieu, lorsqu’il n’obéit qu’à Dieu, il peut être considéré comme un Etre Libre.

Mais cette Liberté-là n’a rien à voir avec ce que nous appelons la Liberté et qui consiste à faire ce que nous voulons. Comme Dieu est tout Amour, lui obéir devient une Liberté sans limites puisqu’elle n’entame aucune des autres libertés.

Comme il n’y a aucun secret pour Dieu, le serviteur de Dieu qui est cet Etre Libre lira en toutes choses et en toutes créatures à livre ouvert. Il saura en voyant une planche de quel arbre elle vient et qui coupa l’arbre, car toute chose porte en elle l’empreinte de son origine comme tout ce que vous touchez porte votre marque. Mais, nous connaissons peu d’êtres qui sont arrivés à ce stade. Avant d’arriver à cela il nous faut déjà faire la tâche de chaque jour et chaque jour remettre ça.

Si nous ne sommes pas au bout de nos peines, du moins sachons savourer toutes les joies qui nous attendent en chemin et gardons pour le Christ, ce doux Seigneur, toute la confiance, toute la ferveur et toute l’Espérance qui nous brûle le cœur et que nous n’osons pas assez formuler.