les amitiés spirituelles

« Il en viendra d'Orient et d'Occident, du Nord et du Midi. » (Luc 13°, 29)

« L'Esprit souffle où il veut. » (Jean 3°, 8)


Parmi les mystiques appartenant à des com­munautés non chrétiennes et dont la vie spirituelle a eu le rayonnement le plus grand et le plus durable, al Hallâj occupe une place de choix (1). Il vécut au Xème siècle de notre ère, à cette époque unique de la floraison de l’Islam où Bagdad, le rempart de la culture arabe, était le centre intel­lectuel du monde.

Aboli Abdallah (2) al Hosayn (3) ibn Man­soûr naquit vers 858 en Perse, à al Baydâ, « la ville blanche ». Son père Mansoûr était un mazdéen devenu musulman. Très jeune il eut la vocation de la vie contemplative ; à seize ans il s’engagea comme serviteur d’un soufi (mystique), puis il devint le disciple du plus illustre parmi eux, al Jonyad. Mais bientôt sa vie mystique s’éleva et s’épura ; il entendit des paroles de Dieu, il les nota, il y vit un critérium de vérité pour résoudre toutes les questions qui se posent au cœur ou à l’intel­ligence de l’homme. Cependant il ne trouva chez ses anciens maîtres aucune compréhension, aucun appui ; alors il se sépara d’eux et se mit à parcourir la Perse et à y prêcher. Son zèle apostolique était si grand qu’il partit appeler à Dieu les idolâtres et alla jusque dans l’Inde, dans le Turkestan extrême et jusqu’en Chine. Il est le premier missionnaire des régions frontières, le premier musulman qui ait cherché à convertir les Hindous et les Turcs. Sa parole pénétrait au tréfonds des êtres ; de là lui est venu son surnom de Hallâj al asrâr, ce qui signifie le cardeur des consciences (4), d’où al Hallâj tout court. Mais aussi son succès détourna de lui la plus grande partie des soufis qu’il avait connus et, parmi le peuple, les uns le traitèrent de sorcier et de fou, les autres le saluèrent comme un thaumaturge.

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Sa prédication était l’accord entre les règles du culte telles qu’il les avait reçues et les expé­riences mystiques qu’il lui avait été donné de faire. Il demandait à chacun de s’offrir à Dieu par la prière, la prière du cœur, intime et cachée. Il assurait les hommes que Dieu les aime, chacun en particulier, d’un amour vigilant ; il les exhortait à renoncer au monde, à se repentir, à ne vivre que pour Dieu. Il proclamait que les rites, les pratiques ne sont rien auprès des réalités divines, de l’union avec Dieu. L’homme qui est parvenu à cette union est recréé par Dieu (5), il devient une « image » de Dieu et l’union mystique n’est rien d’autre qu’une « visite de Dieu à Son image ». Cette certitude de l’union avec Dieu était si vive chez al Hallâj qu’il dit un jour à son maître al Jonyad : « Je suis la Vérité ! » (6)

Il donnait lui-même l’exemple d’une vie mortifiée et renoncée. Un de ses disciples, qui vécut auprès de lui pendant vingt ans, raconte qu’il dormait debout toute la nuit ou, si ses yeux se fer­maient, accroupi dans la position où il tombait. Un autre de ses disciples, qui l’accompagna pendant sept ans, déclare qu’il ne l’a jamais vu manger, en fait d’aliments solides, que du sel et du pain.

Quand il devint prédicateur errant, il se tint au courant des idées qui circulaient parmi ses contemporains, de façon à parler à chacun son lan­gage. C’était un lettré, un dialecticien d’une extraor­dinaire finesse et, en même temps, un poète d’une très noble inspiration. Son style est remarqua­blement pur et riche, vivant, imagé ; ses discours, d’une très grande élévation, commencent par la prose rythmée et finissent par la poésie. Il a écrit des livres dont plusieurs nous sont parvenus.

Pour lui, le repentir est le point de départ pour trouver Dieu. Il disait : « Celui qui veut la liberté, qu’il s’en aille trouver l’obéissance. » Se soumettre à l’autorité politique, aux rites et à la loi est le premier pas vers cette renonciation entière de soi qu’il faut réaliser avant d’atteindre Dieu. Et al Hallâj s’est montré exceptionnellement strict dans l’accomplissement de la loi civile et religieuse. Mais en lui l’amour inspirait et transfigurait tout. Il ne voulait être qu’à Dieu, il ne voulait vivre que pour Dieu et s’offrir à Lui pour toutes les créatures.

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Une renonciation totale avait vidé son cœur de tout le Créé ; la souffrance l’avait définitivement libéré ; c’est pourquoi Dieu est descendu dans ce cœur et l’a rempli tout entier. Et la vie d’al Hallâj n’a été qu’une geste d’amour pour les autres, sa prédication n’a été qu’une imploration d’amour en faveur de la Communauté islamique, ses poèmes qu’un hymne où la passion de l’amour se répand devant son Dieu personnellement présent. L’union avec Dieu est une communication surnaturelle, une grâce réelle et ineffable. L’unité divine ne détruit pas la personnalité du mystique, elle la perfec­tionne, la consacre, la divinise, en fait son organe libre et vivant. Al Hallâj ne fait que chanter sa joie d’avoir atteint, de posséder « Celui qui est au fond de l’extase », dit un de ses vers. C’est là le mariage spirituel où le Créateur rejoint Sa créature et l’étreint (7). Un jour il s’écria : « S’il était jeté, de ce qui est dans mon cœur, un seul atome sur les montagnes de la terre, elles entreraient en fusion ; et si, au jour de la Résurrection, j’étais au fond de l’enfer, le feu infernal en serait brûlé ! »

Les miracles (8) jaillissaient sous ses pas. C’est ainsi qu’il guérit à distance un enfant à l’ago­nie, puis jeta dans le Tigre une bourse que le père lui avait donnée en témoignage de reconnaissance. Le lendemain un de ses disciples rapporta la bourse à cet homme que la perte de l’argent avait déses­péré (9). Ses adversaires déclarèrent qu’il était allé apprendre la magie dans l’Inde, qu’il était possédé par de mauvais esprits.

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Il s’adressait à tous, mais de préférence au peuple. Son apostolat s’exerça surtout à Bagdad et c’est là qu’il-mourut. Il parcourait les souq (mar­chés), il s’arrêtait à la porte des mosquées, parlant de l’amour de Dieu et les gens pleuraient en l’en­tendant. Des foules venaient à lui. La nuit, il se retirait pour prier dans un coin d’un cimetière.

Ainsi, le peuple était divisé à son sujet. Les autorités s’émurent

1° parce qu’al Hallâj présentait ses miracles comme des signes de l’action de Dieu en lui et par lui (10) ;

2° parce qu’il se faisait passer pour Dieu (interprétation tendancieuse de sa parole rapportée ci-dessus) ;

3° parce qu’il avait dit qu’on pouvait « remplacer » par des purifications, des prières et des ouvres charitables le pèlerinage à la Mecque, le rite sacré par excellence.

Al Hallâj, voyant l’opposition grandir entre son mysticisme et la loi islamique, comprit que seule sa mort rendrait la paix à ses frères ; il entrevit alors le martyre et, fidèle à sa doctrine de la sanctification par la souf­france, il le désira de plus en plus ardemment, non seulement pour s’unir à Dieu dans la mort, mais aussi par respect et reconnaissance pour la Loi qu’il avait donnée (11). Il disait aux gens : « Tuez-moi : vous en aurez récompense et moi je gagnerai le repos, car vous aurez combattu pour la foi et moi, je serai mort martyr. »

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Un jurisconsulte délivra contre lui un juge­ment d’hérésie, crime politique, social plutôt, qui, d’après la loi coranique, devait être puni, ici-bas, de confiscation des biens et d’effusion de sang et, dans l’au-delà, de présomption de damnation éternelle.

AI Hallâj fut arrêté, ainsi que plusieurs de ses disciples (913). Il fut mis en prison où il resta pen­dant 8 ans et 7 mois. Au témoignage des historiens qui lui sont le plus hostiles, sa ferveur ne se démentit pas pendant sa longue détention ; il visitait les vagabonds, les voleurs, les mendiants qui étaient incarcérés et leur parlait de Dieu. Un soufi qui le désapprouvait vint le voir et fut tel­lement remué qu’il garda toute la vie le culte de sa mémoire. Plusieurs de ses disciples le renièrent, d’autres s’enfuirent. Son ami Ibn Atâ se déclara ouvertement son partisan et mourut des coups dont le fit frapper le vizir Hâmid, ennemi implacable d’al Hallâj.

Celui-ci comparut devant Hâmid. Le vizir déclara que les propositions incriminées d’al Hallâj, surtout le « remplacement » du pèlerinage, équiva­laient à la ruine de l’Islam. A1 Hallâj répondit que ces prescriptions n’étaient pas de lui, mais qu’elles remontaient à l’un des compagnons du Prophète, que, pour lui, il se contentait de les suivre. Alors le juge déclara qu’il méritait la mort et signa l’arrêt que le vizir envoya immédiatement au khalife. Celui-ci ordonna qu’al Hallâj fût frappé de mille coups de fouet et que, s’il ne mourrait pas sous les coups, il eût la tête tranchée.

On tira le condamné de sa prison. A son serviteur, qui lui demandait une dernière parole, il dit « Ton moi, si tu ne l’asservis pas, il t’asser­vira. » Or Hâmid avait pris l’initiative d’ajouter à l’ordonnance du khalife qu’après les mille coups on coupât à al Hallâj les mains et les pieds et qu’on le mît en croix ; après cela, on lui trancherait la tête.

Al Hallâj reçut les mille coups sans faire entendre une plainte. Après la mutilation, il fit dix-neuf pas sur les moignons de ses jambes jus­qu’au gibet où il fut hissé et cloué. Et il priait ainsi pour ses bourreaux : «...Voici ces gens, Tes ado­rateurs ; ils se sont réunis pour me tuer, par zèle pour Toi... Pardonne-leur. Si Tu leur avais révélé ce que Tu m’as révélé, ils ne feraient pas ce qu’ils font ; et, si Tu m’avais caché ce que Tu leur as caché, je ne subirais pas cette épreuve.

Des passants l’insultaient ; d’autres l’interro­geaient et il leur répondait. Le soir, à l’heure de la prière, l’ordre vint de la part du Khalife de lui trancher la tête. Mais l’officier de garde répondit : « Il est trop tard ; remettons à demain. » C’était le mardi 26 mars 922.

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Au matin Hâmid arriva avec le préfet de police et il remit à ce dernier un rouleau de papier contenant une attestation de quatre-vingt-quatre notables déclarant : « Exécute-le : sa mort est néces­saire à la paix de l’Islam ; que son sang retombe sur nos cous I» Alors on descendit al Hallâj de la croix. Et il dit à très haute voix : « Ce que veut l’extatique, c’est aimer seul à Seul l’essence du Dieu unique » Puis le bourreau lui trancha le cou ; son corps fut roulé dans une natte sur laquelle on versa du pétrole ; on le brûla et ses cendres furent jetées au vent (12).

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La croyance à la sainteté d’al Hallâj était née durant sa vie. Sa condamnation et son supplice ne la détruisirent pas, bien au contraire. De célèbres docteurs, comme al Chazâlî au 12ème  siècle, ibn Arabî au 13ème siècle, le considérèrent comme un saint, mais ils estimèrent et beaucoup avec eux qu’il avait eu tort de prêcher publiquement l’union mys­tique. Toutefois la dévotion populaire affirma qu’al Hallâj était un saint et l’invoqua comme tel et aujourd’hui, plus de mille ans après son martyre, il est encore considéré comme l’un des plus grands saints, le plus grand peut-être, de l’Islam.

L’œuvre de cet excommunié eut une in­fluence extraordinaire. Bien des mystiques ultérieurs ne firent que traduire en une langue plus accessible à la masse les grandes envolées d’al Hallâj. Cer­tains de ses poèmes sont encore populaires de nos jours. Il a inspiré toute une littérature en langue arabe, en langue persane, en langue turque, même en hindoustani, en malais et en javanais. Au 13ème siècle, le mystique persan Jalâl Roumi proposa même les citations d’al Hallâj comme thèmes de méditation divins, au même titre que les versets coraniques. En pays arabe sa destinée reste symbo­lisée par cette phrase qui transpose sa doctrine mys­tique : a Sous mon froc il n’y a que Dieu »

Les rapprochements entre l’histoire d’al Hallâj et l’histoire de Jésus-Christ s’imposent à l’es­prit : séparation d’avec les autres mystiques, apos­tolat chez les compatriotes et chez les infidèles, procès pharisaiquement légal où paraissent des politiciens brutaux, indécis ou sceptiques, des doc­teurs de la Loi corrompus, implacables ou indiffé­rents, des disciples impuissants, peureux ou vendus, et cette mort semblable, sur la croix, devant la foule railleuse, indifférente ou pitoyable. Cette assimila­tion fut si courante qu’au 18ème siècle un miniatu­riste afghan représenta al Hallâj sur une véritable croix et qu’au 19ème siècle, à la fin d’un opuscule persan qui lui est attribué, une maison d’édition de Bombay inséra une lithographie de la crucifixion d’al Hallâj sous les traits de Jésus crucifié.

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Mahomet était venu appeler sa race à la religion du Dieu unique ; mais cet Unique demeu­rait un Dieu transcendant, lointain. C’est pourquoi les soûles sont venus parler au monde musulman d’une union mystique avec Dieu. Mais aucun parmi eux n’a vécu cette union comme al Hallâj. Ma­homet est un prophète ; al Hallâj est un saint. Le prophète reçoit un message et sa mission est de délivrer ce message qui devient une loi. Le saint n’a pas pour mission de parler, car il n’est pas législateur ; il vit en Dieu, il est « transformé en Dieu » et le rayonnement de sa vie mystique a le pouvoir d’illuminer ceux qui en sont les témoins. Le cœur du saint est un brasier, un encensoir ; Dieu a consumé l’humanité de l’homme en Sa divinité ; qu’importe dès lors à celui-ci la vie ou la mort, la joie ou la souffrance ? Où qu’il soit, il est avec son Ami. Saint Paul disait de même « Le Christ est ma vie et la mort m’est un gain » (Philippiens 1, 21).

Mais prophètes et saints ont ceci de commun qu’ils gênent les habitudes de leurs contemporains, qu’ils troublent l’ordre des choses établies, la rou­tine confortable et sacro-sainte. Ils soulèvent donc contre eux les gens qui se sont installés dans la tra­dition et les prérogatives de ceux qui vivent de la tradition, au spirituel comme au matériel.

La tradition est bonne, elle est indispen­sable. Elle garde soigneusement la flamme sacrée. Mais le prophète et le saint ont pour mission d’em­pêcher la fossilisation de l’idéal, la momification de la piété, la cristallisation de la morale. Il faut qu’il y ait des êtres allant plus loin que leurs contemporains, dépassant le point de vue admis par tous, afin d’entraîner leurs frères plus haut, plus près de l’Absolu inaccessible. Ce sont eux qui redonnent vie aux vieilles formules que les répé­titions au cours des siècles risquent de vider de leur contenu spirituel ; ce sont eux qui rajeunissent et renouvellent les formes, lesquelles sont le cadre nécessaire de la vie intérieure de la majorité des croyants. Et quand ils ont délivré leur message, surtout quand ils l’ont scellé de leur martyre, le monde qui les a reniés et torturés a quand même et grâce à eux fait un pas en avant.

Nous vénérons les martyrs ; mais leurs persécuteurs défendaient de vénérables traditions ; s’ils ont dressé la croix de Jésus ou le gibet d’al Hallâj, ils croyaient, selon la parole du Christ, « rendre service à Dieu ». Leur jetterons-nous la pierre ? N’y a-t-il pas aujourd’hui des chrétiens à l’esprit systématique, figés dans les formes où une tradition vingt fois séculaire a fixé le christianisme, qui se sont fermé les yeux vers l’avenir à force de les tenir ouverts sur le passé et qui crucifieraient à nouveau le Fils de l’Homme ?

C’est dans le christianisme que se sont levés les plus grands prophètes, les saints les plus émi­nents. Mais nous voyons, par l’exemple d’al Hallâj, qu’à chaque race Dieu envoie des missionnés qui parlent à leurs contemporains la langue que ceux-ci peuvent le mieux comprendre, qui vivent sous leurs yeux les expériences qui leur sont le plus acces­sibles, dans le présent ou dans le futur.

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Et il en sera ainsi jusqu’au jour où, comme l’a annoncé le Christ, « il n’y aura plus qu’un seul troupeau et un seul Berger ».

Mais, jusque-là, et pour hâter dans toute la mesure du possible l’avènement de ce temps béni, - ceux qui ont compris quelque chose à l’amour divin, ceux qui ont reçu dans leurs cœurs un rayon de cet amour, ont à être attentifs aux appels de Dieu.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur cette personnalité si attachante d’al Hallâj, notamment sur sa doctrine qui a tant de points de ressemblance avec le plus pur christianisme. Mais nous ne sau­rions nous étendre là-dessus sans déborder le cadre de cette brève esquisse.

Il est cependant un point que nous tenons à souligner : c’est l’attitude d’al Hallâj vis-à-vis de la personne du Christ. Missionné auprès des musul­mans essentiellement monothéistes, il ne voulait que les confirmer dans leur croyance au Dieu unique ; il ne pouvait pas leur parler du mystère de la Trinité ni de la divinité de Jésus-Christ, sans risquer de don­ner à ces néophytes un aliment encore au-dessus de leur portée.

Mais certains passages de ses écrits, comme le suivant, montrent clairement ce qu’il croyait sur ce sujet capital : « Celui qui dresse son corps par l’obéissance aux rites, occupe son cœur aux œuvres pies, endure les privations des plaisirs, et possède son âme en s’interdisant les convoitises, s’élève ainsi jusqu’à la stase de « ceux qui sont rapprochés de Dieu ». Ensuite, il ne cesse de descendre dou­cement les degrés des distances, jusqu’à ce que sa nature soit purifiée de ce qui est charnel. Et puis, s’il ne reste plus d’attache charnelle en lui, alors descend en lui cet Esprit de Dieu de qui naquit Jésus, fils de Marie... »

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Tant que tu te fabriques des expressions, tu n’affirmes pas le Dieu unique ; jusqu’à ce que Dieu S’em­pare de tes expressions, en te faisant renoncer à elles, et qu’ainsi ne subsistent plus ni l’énonciateur créé ni son expression humaine... Nul ne comprend Dieu, sinon celui pour qui Il Se rend compréhensible ; nul n’affirme vrai­ment que Dieu est unique, s’II ne l’unifie pour Lui ; nul ne croit en Lui, s’il ne lui en fait la grâce ; nul ne Le décrit, s’Il ne rayonne dans sa conscience intime. (A1 Ha14j)

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J’ai étreint, de tout mon être, tout Ton amour, ô Saint ! Tu T’es tant manifesté qu’il me semble qu’il n’y a plus que Toi en moi, Je retourne mon cœur au milieu de tout ce qui n’est pas Toi, Mais je ne vois Plus rien que détachement de moi à eux Et familiarité de moi à Toi !... Entre moi et Toi il traîne un « c’est moi !» qui me tourmente...

Ah  enlève, de grâce, ce c’est moi  » d’entre nous deux. (Al Hallâj)

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 (1) Ceux qui désireraient connaître plus com­plètement cette admirable figure liront avec intérêt et pro­fit le grand ouvrage de Louis Massignon La Passion d’al Hosayn ibn Mansoûr al Hallaj, martyr mystique de l’Islam : 2 volumes. Paris, Paul Geuthner, éditeur.

(2) Son prénom.

(3) Son nom.

(4) Son père paraît avoir été cardeur de coton et al Hallâj dut également exercer ce métier.

(5) La nouvelle naissance dont parle le Christ (Jean Ill, I-12).

(6) Pour apprécier exactement cette parole - qui devait avoir pour celui qui la prononça des consé­quences tragiques - il faut comprendre que, dans la pen­sée d’al Hallâj, Vérité signifie : essence divine. « Je suis la Vérité » - Cette parole serait à rapprocher de la déclaration de Saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Galates II, 20).

(7) Cf. Sainte Thérèse : Chemin de la Perfec­tion, Château intérieur.

(8) Il est bon de remarquer que les miracles rapportés dans ses biographies ne sont pas les enjolive­ments postérieurs de la légende ; ce sont des faits réels, attestés par des témoins connus et dignes de foi, qui ont provoqué sur-le-champ des polémiques et qui figurent dans tous les textes primitifs, jusque dans le compte rendu de son procès.

(9) Une autre fois on l’obligea à accepter une bourse ; il alla à la mosquée et distribua tout le contenu aux pauvres. - Cheminant dans une région désertique avec quatre cents disciples, les provisions furent épuisées. Il les fit asseoir ; puis, passant sa main par derrière lui, il ramena un plat de mouton r8ti pour chacun. - Il ressus­cita, en le cachant sous sa manche et après avoir prononcé quelques paroles, un perroquet appartenant au fils du kha­life. - Il rendit la vue à un aveugle, etc., etc.

(10) Il disait à un disciple : « Certains té­moignent en faveur de ma sainteté et d’autres témoignent, contre moi, de mon impiété. Or les seconde me sont plus chers et sont plus chers à Dieu que les premiers ». - Pourquoi, maître ? « Ceux-ci me disent saint parce qu’ils pensent du bien de moi, tandis que ceux-là, en me déclarant impie, le font par zèle pour leur culte. Or celui qui est zélé pour son culte m’est plus cher et est plus cher à Dieu que celui qui prend en estime une créature. »

(11) Certains restes d’al Hallâj (sans doute-sa tête, ses mains et ses pieds) ont été enterrés par ses dis­ciples dans une tombe que l’on peut voir encore aujour­d’hui, sur la rive occidentale du Tigre ; elle a été restaurée en 1905 par Kasim pâshâ.

 Rappel

Parmi ceux qui étaient venus pour adorer Dieu pendant la fête se trouvaient quelques Grecs. Ils abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïda, en Galilée, et lui firent cette demande « Seigneur, nous désirons voir jésus ». Philippe alla en parler à André; et tous deux ensembles allèrent le dire à Jésus. Celui-ci leur adressa alors ces paroles : « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. En vérité, en vérité je vous le dis, si le grain de froment tombant en terre ne passe pas par la mort, il demeure seul ; mais qu’il vienne à mourir, il porte beaucoup de fruits. Qui aime sa vie la perdra ; et qui hait sa vie en ce monde, la conservera pour la vie éternelle. Qu’il me suive, celui qui veut me servir ! Et là où je suis, mon serviteur sera aussi. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. Maintenant mon âme est troublée ; et que dirai-je ? Dirai-je : Père, délivre-moi de cette heure ? Mais c’est pour cette heure-là que je suis venu ! Père ! Glorifie ton nom ! » Du ciel il vint alors une voix : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore! » « C’est le tonnerre », dit la foule qui était présente et qui entendait. Il y en avait qui disaient « C’est un ange qui lui a parlé ».

Jésus reprit ainsi : « Ce n’est pas pour moi, mais pour vous que cette voix s’est fait entendre. C’est maintenant que se fait le jugement de ce monde ; c’est maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, quand j’aurai étal élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi ». Il disait cela pour indiquer de quelle mort il allait mourir.

La foule lui répondit: « La Loi nous apprend que le Christ doit demeurer éternellement ; pourquoi donc dis-tu : Il faut que le Fils de l’homme soit élevé de terre ? Quel est ce Fils de l’homme ? » Jésus leur répondit: « Pour un peu de temps encore la Lumière est avec vous. Marchez pendant que vous avez la Lumière, de peur que les ténèbres ne vous surpren­nent. Celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va. Pendant que vous avez la Lumière, croyez en la Lumière, afin de devenir des enfants de Lumière ».

Ainsi parla jésus, puis il s’éloigna et se cacha d’eux. (JEAN XII, 20-36)


Al Hallâj

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