les amitiés spirituelles

Les 7 paroles de la Croix — Conférence de Sédir du 11 avril 1915

Attaché à la croix, agonisant d'indicibles douleurs, Jésus a dit plusieurs paroles mais on n'en a conservé que sept, qui, à elles seules, forment une admirable synthèse de Son enseignement.

Ces paroles sont celles que peut prononcer un homme qui a voulu faire du bien et qui en a été récompensé par le dernier supplice.

Le Christ est avant tout Celui qui souffre, le Martyr perpétuel et universel. Si donc Il est l'être de douleur, Il est avec tout ce qui souffre et en tout ce qui souffre. N'a-t-Il pas dit d'ailleurs que les misérables, les malheureux, c'est Lui-même ?

Pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font

Ayant pardonné à ceux qui font le mal par ignorance, c'est par Lui que les hommes, ensuite, peuvent par moment surmonter les révoltes de l'instinct, dépasser même la rigueur de la justice et atteindre, eux aussi, jusqu'au pardon. Avoir reçu le pardon du Ciel est une faveur merveilleuse et grave: soyons attentifs à ne pas la perdre. Veillons sur nos pensées, sur nos paroles, sur nos actes.

Nous autres, il faut pardonner, puisque nous ne supportons jamais que les chocs en retour d'ennemis justiciers, et quand nous les aurons tous subis, il faudra pardonner encore à nos ennemis injustes afin que la lumière de la douceur puisse descendre en eux.

Tu seras avec moi au Paradis

C'est l'espoir accordé au repentir.

Pour obtenir le pardon de Dieu, il faut l'exercer nous-mêmes. Ce faisant, nous imitons le Christ et Il nous prend alors avec Lui.

Ce que l'homme peut arriver à concevoir de l'action constante du Christ est indiqué dans les évangiles. Le Ciel ne demande pas de grandes cérémonies pour accepter le repentir de l'homme et pour le prendre à Lui. Ces cérémonies, c'est la Nature seule qui les demande. Le larron avait mené une existence de rapines ; il s'est repenti, et pour une seconde de repentance, le Christ l'emmène avec Lui. Tous les mauvais sujets peuvent avoir ce repentir.

Nous aurons certes à réparer les dommages que nous aurons causés, nous aurons à payer nos dettes dans des existences ultérieures, mais il y aura en nous une lumière. Vous avez vu des gens serviables, d'une bonté à toute épreuve, et cependant tout leur craque entre les mains. Vous vous êtes peut-être étonnés que Dieu ne les protège pas. Ce sont des gens dans la situation de ce larron; ils ont été mauvais. ils se sont repentis, il y a en eux une lumière qui leur permet de tout supporter, et ils ont ainsi quelques existences assez remplies de détresses de toutes sortes pour réparer le mal qu'ils ont commis. Il en est ainsi des nations.

Voici ton fils; voici ta mère

Ces paroles, dites à Sa mère et à saint Jean, annoncent la perpétuation de Sa présence spirituelle sur la terre.

Lorsque la foule Lui annonça l'arrivée de Sa mère et de Ses frères, le Christ répondit: « Qui est ma mère et qui sont mes frères ? » Et Il ajouta: « C'est celui qui obéit à la volonté de Dieu. Cela est vrai pour les individus. L'homme qui fait la volonté du Ciel, le Christ naît en lui; son âme devient la mère du Christ. Cela est vrai aussi pour les nations. »

Tous les personnages de l'histoire sacrée et ceux aussi que l'histoire ne nomme pas continuent à vivre d'une existence perpétuelle qui n'est assombrie que par nos retards. Ils ont avancé plus vite, ils sont des éclaireurs, ils conservent le souci de ceux qu'ils ont laissés en arrière. Et entre tous ces éclaireurs, la Vierge est la première, car elle a été la plus humble en son temps. Elle a donc reçu la première place dans la hiérarchie de l'Absolu. C'est Elle qui a le souci le plus grand de l'humanité.

Père, père, pourquoi m'as-tu abandonné ?

C'est l'excuse et l'atténuation de tous les désespoirs futurs. « Le Christ a douté pour que l'âme des hommes ne soit pas jugée sévèrement lorsqu'elle doute. »

Quand le Christ exhale vers le Père son cri: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? il faut voir là une autre forme de Son amour pour nous. Le Christ est une personnalité double, mais dont les deux pôles s'enchevêtrent à un tel point qu'il est impossible de les distinguer. Parmi les paroles qu'Il prononce, les unes sont du Verbe, les autres sont de l'Homme-Jésus. Et cependant c'est le même être qui les a dites toutes, car si elles étaient venues d'un seul de ces deux pôles, elles auraient été inutiles. Si c'était le Verbe seul qui les avait prononcées, la terre entière aurait été stérilisée.

Quand donc le Christ Se plaint d'avoir été abandonné par Lui, c'est l'Homme qui se plaint. Et derrière cette plainte, il y a cet Amour non exprimé, cette chose surhumaine : Si en plus de toutes les douleurs, je n'accepte pas le désespoir, les hommes n'auront plus le droit de se désespérer; mais si je donne asile à cette vague de désespoir qui me fait dire: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-Tu abandonné ? Les hommes auront plus tard dans leur désespoir une lueur, et leur désespoir sera juge moins sévèrement par les juges de la Nature.

Et c'est ainsi que tout ce que le Christ a fait et qui ne nous parait pas divin a été fait pour donner aux hommes une excuse dans leurs défaillances et pour mettre dans le génie de ces tentations une lueur qui pourra un jour faire de ces êtres de désespoir et de doute des anges de douceur et de foi.

J'ai soif

L'Homme continue à se plaindre et Il dit : « J'ai soif. » Je pourrais ici vous raconter des histoires alchimiques et herméneutiques ; mais nous verrons plutôt là, après la défaillance morale, la défaillance physique. Vous avez lu qu'il faut asservir le corps par l'ascétisme. Eh bien, cela n'est pas dans l'esprit de l'Évangile. Le Christ sait qu'Il a fait nos corps. Il sait que c'est par Lui que tout vit en nous. Il sait pourquoi Il a fait nos corps avec les matériaux qui le composent et Il sait ce qu'Il en fera plus tard.

Quand le mystique parle de la régénération, il pense à la régénération intérieure; quand le Christ en parle, Il pense à la régénération totale, à celle du corps en particulier. La matière dont est fait notre corps est méprisable quand on la considère des cimes de l'Esprit ─ seulement qui monte jusqu'aux cimes de l'Esprit ? ─ mais elle est admirable quand on la regarde du coté de la matière. Le corps a droit à sa nourriture, il a droit à un confort, à condition qu'il soit modéré. Nous devons être reconnaissants pour notre corps, car si nous ne l'avions pas, nous ne pourrions pas travailler. S'il nous fait tomber, il nous protège aussi contre les attaques de certains invisibles.

Le Christ a pensé à tous les esprits organiques qui font vivre le corps et Il leur permettra d'entrer en contact avec toutes les beautés et toutes les souffrances de l'univers. Il a donc accepté toutes les souffrances corporelles ; Il a créé à nouveau la nature. Cela, nous ne pouvons pas le vérifier, car nous sommes endormis. Mais si nous sommes désireux d'avancer coûte que coûte, nous verrons vite ce qui se passe dans les organismes physiques et nous nous rendrons compte que l'Esprit que le Christ a laissé se diluer sur la terre depuis deux mille ans, nos corps peuvent en recevoir une nouvelle vitalité, C'est pour cela qu'Il a laissé Son corps se plaindre et qu'Il a dit: J'AI SOIF.

Tout est consommé

En disant ces paroles, le Messie constate la réalisation de l'ancienne promesse : « Je ne suis pas venu pour détruire, mais pour accomplir ». En effet, le Grand Œuvre est dès lors terminé. La Lumière a été mise partout ; tous les champs ont reçu la semence ; c'est maintenant aux créatures de faire le reste.

Pour nous, nous avons à faire tout le possible. L'impossible, c'est l'affaire du Père.

Père, je remets mon esprit entre Tes mains

Il lui remet les forces qui lui ont servi à faire Son travail.

Alors nous saurons ce qui nous reste à faire: c'est de tout remettre entre les mains du Père ; non seulement notre esprit, mais tout ce qu'il y a en nous.

L'homme ordinaire a de l'esprit en lui; mais ce principe spirituel en l'homme est quelque chose de très rudimentaire. A mesure que nous travaillons, cet esprit se développe en force, en grandeur, en facultés nouvelles. Cela jusqu'au moment où cette action du Verbe est ressentie dans l'être tout entier.

C'est pourquoi le dernier mot de tout effort humain, de tout héroïsme et de toute sainteté est celui-ci : « Père, je me remets entre tes mains ! »

Que cette coupe passe loin de moi !

(En réponse à une question sur le sens de cette parole prononcée par Jésus au Jardin des Oliviers, Sédir a expliqué):

Le Christ pouvait tout ; mais Il avait ce privilège inexplicable de scinder Sa nature humaine et Sa nature divine. Il était alors un pauvre homme, et Il devait donner aux hommes l'exemple de l'hospitalité des anges du mal. Il paraît avoir fait des choses blâmables telles que : maudire le figuier, douter de Dieu...

C'est l'homme en lui qui a fait cela et par amour pour nous ; car Il voulait réunir en Lui tous les états d'âme possibles. Pour nous qui détruisons et tuons, lorsque nous mourrons, tous les êtres qui auront été lésés par nous crieront vengeance, alors le Christ dira : « J'ai fait la même chose, et les dieux condamneront moins fort. »

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