les amitiés spirituelles

La Naissance de Jésus-Christ par Sédir

Voici l’Événement unique dans les annales de la terre ; l’Evénement par excellence ; le Fait inouï sur lequel nous devrions tenir constamment fixés les regards de notre intelligence et de notre amour. C’est la naissance de Jésus, c’est la naissance de Dieu.


Il faut ici rassembler toutes les forces de l’attention, ordonner de se taire à toutes les voix des puissances intérieures, mettre à genoux enfin le Seigneur Moi dans ses vêtements de parade. Sans quoi toute compréhension se fausse et tout bénéfice spirituel s’annule.


Ces événements eurent lieu pour que « la promesse prophétique de la venue d’un Sauveur s’accomplisse », dit Matthieu.


Le Père S’engage, en effet, par Ses prophètes. Il tient Sa parole coûte que coûte, par conscience envers ce qui, au fond de nous-mêmes, garde le souvenir de Sa parole et en attend la réalisation. Il ne modifie pas Ses projets ; Il en change simplement les moyens, selon qu’Il le juge utile, tout en ayant prévu ces changements.


Il ne force personne ; Joseph et Marie, Ses collaborateurs éventuels, devaient rester libres d’accepter Ses propositions et de repousser les tentatives de l’Adversaire. Ainsi, quoique le Père soit totalement bon, ne tombez pas dans le quiétisme. Ce n’est que lorsqu’on s’est donné de la peine, toute la peine possible, que le Ciel nous aide.


Nous pouvons maintenant contempler la Nativité avec un sentiment nouveau.


Le mode de maternité de la Vierge est inacceptable pour la science. Rigoureusement parlant, la parthénogénèse n’existe pas dans la Nature. Quand elle semble se produire, c’est que l’agent paternel vient d’un autre plan que celui où se trouve l’agent maternel. L’histoire de la démonologie fourmille de faits de ce genre. Toutefois, il n’y a pas que des êtres infra-humains qui puissent parvenir de la sorte à l’existence physique ; des êtres plus hauts que nous emploient exceptionnellement ce procédé pour descendre sur terre, dans certains buts. Et ceci est possible même à des créatures d’autres races que celle d’Adam.


C’est pourquoi, entre parenthèses, il ne faudrait juger directement ni le criminel, parce que c’est peut-être un démon qui se sanctifie ; ni le héros, car le sillage de gloire qu’il laisse sur la postérité ne vient peut-être pas du monde de la pure Lumière. Il faut regarder toutes créatures comme des ouvrières de Dieu.


Mais loin de moi la pensée de comparer ces phénomènes « naturels » de parthénogénèse au miracle « surnaturel » de l’enfantement du Christ. Qu’il nous suffise de savoir que, pour contenir l’activité extrême de Son esprit, Jésus avait besoin d’une vitalité corporelle parfaitement pure et, pour obtenir celle-ci, la virginité de Sa Mère était indispensable.


Le Roi des dieux vient en ce monde, sur la route, et Son berceau est une crèche parce qu’il n’y a point de place à l’auberge. Simplicité terrible du récit de saint Luc ; quelles rougeurs de honte cette phrase ne devrait-elle pas nous faire monter au visage ! Car ceci se voit encore chaque jour. Chaque jour, au moins une fois, l’esprit de Jésus Se pose à la porte de l’hôtellerie de notre esprit, et demande que nous Lui donnions un peu de nous-mêmes, pour S’en revêtir, pour S’y incarner ; or, à peine une fois sur mille, nous, poussières et fanges, Lui accordons-nous une pensée, une parole, un geste. Et ensuite on s’étonne quand la Nature, indignée de notre ingratitude, frappe sur notre coeur, verse des acides sur nos égoïsmes, et active les feux sous ses creusets.

 

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A propos des présents que les Mages déposent aux pieds de l’Enfant, cherchons l’origine invisible de l’idée de présent. Dans la création, l’inférieur reçoit toujours du supérieur, automatiquement. Dans l’incréé tous se donnent perpétuellement à tous. Le disciple du Christ doit donc retourner à son Maître le fruit de ses travaux ; mais, comme les créatures en ont aussi besoin, l’offrande au Seigneur réside toute dans l’intention.


Ce que les Mages apportent n’est donc que le signe de leurs offrandes réelles et de leurs sentiments. Ils présentent des choses précieuses. Les Bergers n’apportent rien, que leurs coeurs. Il y a, en effet, au point de vue des relations entre nous et Dieu, deux classes d’hommes ; ceux qui se disent des centres et qui ont conscience de leur valeur ; ceux qui ne se croient rien par eux-mêmes, Les premiers n’offrent tout au plus qu’une partie du produit de leur travail ; ils se gardent en tout cas eux-mêmes. Les seconds ne pensent point à retenir un bénéfice de leurs fatigues ; ils ne s’appartiennent plus ; ils ont accompli l’acte suprême de la liberté humaine : se rendre esclaves de Dieu ; et, parce que Dieu est le Libre parfait, dans cet esclavage ces serviteurs retrouvent une liberté infinie.


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Je vous invite à vous remettre devant les yeux de temps à autre ce tableau de la Nativité ; vous goûterez mieux les leçons vigoureuses qu’il contient. Tous les extrêmes semblent s’y être donné rendez-vous ; la toute-puissance avec le plus grand dénuement ; l’incognito actuel avec la gloire universelle future ; les anges avec les étoiles ; les rois avec les bergers ; le mystère le plus incompréhensible avec l’incident le plus banal.

Noël est la fête entre toutes la plus mal célébrée. Qu’est-elle, pour les meilleurs, autre chose qu’une joie d’égoïsme ? Égoïsme spirituel, certainement, mais égoïsme quand même. Que quelques chrétiens au moins se souviennent combien ce jour fut triste pour le petit Enfant aux graves regards ; Il revoyait tout ce qu’Il avait subi et Il prévoyait tout ce qui Lui restait à subir. Que cette idée nous incite, pendant les Noëls que Dieu nous réserve encore, au lieu de nous réjouir, à alléger le fardeau qui, dès Sa première heure, écrasa les épaules délicates du Nouveau-Né de Bethléem.


(Noël 1928 - Bulletin n° 3)

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